Presse
Le Monde diplomatique, janvier 2003
ADEN. Cette revue qui se consacre à l'étude de l'œuvre de Paul Nizan analyse les rapports de l'auteur d'Aden Arabie et des Chiens de garde avec le parti communiste, compare son itinéraire avec celui de Walter Benjamin et rappelle la position des intellectuels français au moment de la guerre d’Éthiopie.
Les nouvelles d’Addis, mars-mai 2003
Se souvenir de 1935
La situation actuelle n'est pas nouvelle mais on ne saurait affirmer cette fois-ci qu'elle « se finira en farce ». En 1935 déjà, la communauté internationale et l'organe de régulation dont elle s'était alors dotée ont été défiés et ridiculisés par une puissance de l'époque. Cet épisode, qui marqua l'impuissance puis la faillite de la S.D.N., n'est pas passé à l'histoire sous le nom de « juste lutte contre le terrorisme » ou « libération du peuple » ou encore « comment l'obscurantisme fut battu » mais « agression italienne contre l'Éthiopie ».
Dans un article « Intellectuels contre la guerre d'Éthiopie », paru dans la revue Aden, Anne Mathieu nous retrace le débat de l'époque chez les intellectuels français, qui opposa Nizan et ses proches à la kyrielle de futurs collaborateurs regroupés autour du manifeste « Pour la défense de l'Occident ». Les termes du débat sont d'une brûlante actualité.
Remplaçons « Rome » par qui vous savez et nous disposerons de solides répliques : « Nous refusons aux fascistes de Rome le droit de parler au nom de la culture… Leur civilisation d’espions, de bourreaux et de policiers va porter les seuls instruments qu'elle soit capable de produire : des tanks des avions et des gaz. » (Henri Barbusse, Jean-Richard Bloch et Jean Cassou) ou alors « Plus Rome se vante d'être vraie, plus elle ment. Plus l'État italien fait montre de bonne foi et de franchise, plus il est déloyal. Plus il affecte la fidélité, plus il prépare la trahison. » (André Suarez). Vous pouvez aussi trouver d'autres permutations : « Ce cynique attentat qu'est le projet de dépècement de l'Éthiopie, attentat dirigé contre un membre de la S.D.N. et contre la S.D.N. elle-même, ses principes et ses volontés, par ceux justement qui s'étaient solennellement engagés à en faire respecter le pacte. » (Andrée Viollis, journaliste à L'Humanité).
Laissons les derniers mots à Paul Nizan : « Le fascisme italien est à la veille d’attaquer... Il veut justifier son agression par d’ignobles mensonges idéalistes, se donner pour le champion de la civilisation », et concluons comme lui que «c'est l'heure de la France, mais l'heure de la fermeté française, de la fidélité française à la cause de la paix. »
M.A., 6 mars 2003
Esprit, juillet 2003
PAUL NIZAN - Une revue d'études dédiée à Paul Nizan, Aden, consacre son premier numéro aux années 1930 : cela donne l'occasion d'étudier les réactions à l'annonce de sa rupture avec le Parti communiste après la révélation du Pacte germano-soviétique ; sa relation à Emmanuel Berl ou encore sa place dans la constellation des intellectuels qui sont intervenus sur la guerre d’Éthiopie. Lothar Baier se penche sur le parallèle entre Paul Nizan et Walter Benjamin. Le romancier n est pas oublié dans cet ensemble, et l’on découvre même en fin de volume un Nizan poète à travers des inédits composés à Aden en 1926-1927 : « monde je ne suis pas Atlas porte-monde / mais ce faible branchage et celui qui attend / que la mer du sommeil inonde des volcans / que les murs de la nuit s'ouvrent comme des toiles ».
Histoires littéraires, juillet-septembre 2003
Plus d'un demi-siècle pour relire l'histoire, cela n'est manifestement pas de trop. Et pour le cas Nizan, malgré le premier coup de boutoir donné par Sartre en 1960 (à l'occasion, rappelons-le, de la réédition par François Maspero d'Aden Arabie), il fallait que bien des hypothèques soient levées. Loin de la place du colonel Fabien comme de la place de Saint-Germain-des-Prés, un vent salutaire semble aujourd'hui souffler qui nous vient de Nantes et de la Nouvelle-Écosse, avec un premier bilan des recherches d'un groupe qui s'est institué « Groupe interdisciplinaire d’études nizaniennes ». Signalons les trois gros morceaux : « Paul Nizan face à Emmanuel Berl » (Anne Mathieu), « Paul Nizan démissionne du Parti communiste : une réception critique » (Pierre-Frédéric Charpentier), « Intellectuels contre la guerre d’Éthiopie » (Anne Mathieu). On s'attache à repasser au crible textes, manifestes, déclarations, mémoires, on élimine de faux jugements, mais on n'arrive pas toujours à reconstituer, disons, l'atmosphère, on n'arrive surtout pas à comprendre les luttes pour l'hégémonie à l’intérieur du Parti. Gramsci n'est donc toujours pas revenu en odeur de sainteté, qui permettrait de comprendre bien des analyses ou prises de position du camarade Nizan.
L'Histoire, septembre 2003
HARO SUR NIZAN !
Le 25 septembre 1939, un mois après la signature du pacte germano-soviétique et une semaine après l'invasion de la Pologne orientale par l'Armée rouge, Paul Nizan, alors sous les drapeaux, rompt avec le parti communiste. Il sera tué le 23 mai suivant, près d'Audruick, lors de l'offensive allemande sur Dunkerque.
Dans ce premier numéro d’Aden, revue du Groupe interdisciplinaire d'études nizaniennes, Pierre- Frédéric Charpentier revient sur les circonstances de cette rupture et sur les échos qu'elle rencontra dans la presse et dans l'entourage de l'auteur d'Aden Arabie. Henriette, sa femme, semble désemparée : comment va-t-elle affronter désormais le regard des militants ? Aragon est sans doute le plus féroce. Dix ans plus tard, dans Les Communistes, il peindra Nizan sous les traits du sinistre Orfilat.
Si Fernand Grenier, autre grande figure du Parti, ne montre aucune agressivité à l'égard de celui qui était responsable des pages politiques de L’Humanité, en revanche André Marty et Maurice Thorez sonnent la charge contre cet «intellectuel complètement détaché des masses [...] très prétentieux, [...] inconnu en dehors des milieux intellectuels », contre cet « agent de la police » (dixit Thorez), « peureux et servile, [... ] prêt à se rabaisser lui- même pour mieux tromper ceux qu'il avait l'intention d'espionner ».
Nizan eut-il connaissance, depuis le front, des attaques dont il fut l'objet ? Une lettre de février 1940 à Henriette apporte un début de réponse. Il était sans illusions sur la nature de ses adversaires ...
[La mise en ligne de cette revue de presse est due à Thierry Altman]