Presse
Le Monde diplomatique, décembre 2012
Autour du thème « Un air de prolétaire », des articles sur le pessimisme du roman populiste, la littérature prolétarienne japonaise des années 1930, le théâtre de Jacques Prévert et du groupe Octobre.
Esprit, mars-avril 2013
La revue Aden, publiée par le Groupe interdisciplinaire d’études nizaniennes, consacre son numéro annuel (octobre 2012, n°11) à la littérature prolétarienne, dans sa dimension internationale (articles sur la Belgique et le Japon) et littéraire, alors que ces œuvres sont souvent considérées davantage comme des documents que comme des romans à proprement parler (voir par exemple l’article de Jean-Luc Martinet sur Eugène Dabit). A noter également dans ce numéro – rythmé par des extraits de Bruce Springsteen comme de juste – un article d’Anne Mathieu sur les héritages contemporains des romans prolétariens (roman d’usine, témoignages…), ainsi que plusieurs textes d’époque (fictions, reportages, textes théoriques).
Dissidences, n°5, Printemps 2013
A qui douterait encore de l'existence du prolétariat, non pas catégorie sociologique ou multitude de pauvres, mais classe exploitée, dominée, négatif des rapports de production capitalistes car historiquement porteuse des luttes de classe, ce numéro d'Aden (dédié à l'historienne Nicole Racine, décédée en 2012) vient en rappeler la réalité, à travers la littérature (ou la fiction, la chanson, la poésie) prolétarienne des années trente. Comme l'annonce impétueusement en avant-propos Anne Mathieu, la directrice de la revue, si nous ne voulons pas que les puissants continuent à écrire l'histoire, « entamons [épaule contre épaule] l'air prolétaire de la lutte » (p. 14). Cet air se décline sur plusieurs « fronts de lutte », pour continuer à filer la métaphore militante. Tout d'abord, bien faire la distinction entre littérature prolétarienne et littérature populiste. Convoquer ici Marcel Martinet relève de l'évidence heuristique : le roman prolétarien est celui d'une classe « qui prétend que son heure est venue de conquérir le monde » et donc, « se confond avec cette grande idée et déjà l'exprime » (M. Martinet, « Premiers éléments d'une littérature prolétarienne », article de 1934, reproduit p. 199-203). La littérature populiste, bien qu'elle place le peuple, voire l'ouvrier au cœur de ses romans, ne lui offre aucune issue, l'isole. Point, ici, de conscience de classe mais au contraire une mise à distance du politique, une totale inexistence à l'idée de s'emparer du pouvoir. L'impuissance. Les deux contributions de Véronique Trottier (sur le pessimisme du roman populiste, p. 75-96) et de Jean-Luc Martinet (à propos du roman L'Hôtel du Nord d'Eugène Dabit, p. 97-114) éclairent sur cette distinction, la seconde surtout. Un article novateur sur la littérature prolétarienne japonaise, sa naissance, ses différents avatars dus aux exigences idéologiques perçues comme sectaires, sa disparition (son auto-dissolution à vrai dire), permettent de connaître œuvres et écrivains d'une école littéraire quasiment inconnue en France. Pas tout à fait cependant, puisque la publication récente (2011) du roman majeur de Tokunaga Sunao, Quartier sans soleil [nous en avons rendu compte sur notre blog : http://dissidences.hypotheses.org/2965]a levé un pan du voile. L'auteur de l'article, Jean-Jacques Tschudin, est le spécialiste reconnu de ces écrivains engagés. Le mineur dans la littérature belge (Nicolas Verschueren), le documentaire de Joris Ivens Borinage (Alain Moreews), la voix de Jacques Prévert (Arnaud Laster) ou l'étude d'Anne Mathieu sur quelques romans du débuts de notre siècle, symboles d'un renouveau de la littérature prolétarienne complètent l'ensemble. Auquel il faut ajouter, comme à chaque livraison, la seconde partie composée de documents et témoignages sur la souffrance et les luttes des hommes au travail, ce travail nommé au début du XXe siècle le « chagrin ». Comptes rendus de lectures, illustrations du fidèle Jean-René Kerézéon ainsi que quelques photographies présentées par Xavier Nerrière terminent ce volume indispensable sur cette culture prolétarienne engagée.
Le Monde diplomatique, mars 2012
Aden - Paul Nizan et les années trente. La livraison annuelle de cette revue est consacrée à l’engagement des artistes (théâtre, danse, peinture, cinéma). Au sommaire, les rapports entre le surréalisme et l’opposition de gauche, le destin des sculptures soviétiques de l’Exposition universelle de 1937.
Europe, n° 996, Avril 2012
Revue Aden, n°10 : « Artistes, engagez-vous ! » (465 p., 25€).
Après son n°9 sur la guerre d’Espagne, ce numéro d’ADEN – dont la ligne éditoriale est dédiée aux années 1930 et à leurs héritages [1] - est consacré à l’engagement des artistes. Dans son avant-propos, le rédacteur en chef Guy Palayret en présente les enjeux. L’engagement des artistes au cours de cette période est selon lui un mot d’ordre nécessaire et urgent, le contexte politique étant fait de menaces de plus en plus lourdes pour la démocratie et pour la liberté des artistes. Il cite comme exemple d’engagement la revue Le Surréalisme au service de la Révolution, le manifeste de Breton et Trotski « Pour un art révolutionnaire indépendant » et surtout la création de l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires (AEAR) dont la revue publie d’intéressants procès-verbaux de séances dans sa rubrique « Textes et Témoignages retrouvés ».
Le numéro insiste sur la diversité de l’engagement des artistes au cours de cette sombre décennie : diversité des engagements, des arts concernés (la danse avec Kurt Jooss, la peinture avec Antoine Serra, le cinéma avec Luis Buñuel…), diversité géographique des pays où le problème est étudié (la France bien sûr mais aussi l’Allemagne, le Mexique…). Enfin, si certains noms sont connus de la plupart des lecteurs, d’autres sont méconnus voire inconnus et c’est un des intérêts de ce numéro d’Aden de les faire découvrir.
Ainsi, Sabrina Dubbeld nous permet de faire connaissance avec le Groupe Témoignage. Créé en 1936 par l’écrivain Marcel Michaud (1898-1958), ce mouvement né à Lyon lutte contre le lieu commun, la mode. Il s’agit d’un engagement contre l’esprit bourgeois, contre l’esprit provincial aussi. Cet esprit, trop imprégné de matérialisme, marque une décadence de l’Occident. Cette décadence, le groupe en voit l’origine dans l’humanisme de la Renaissance qui favorise le développement du plus grand drame de l’art : la quête d’originalité qui se substitue à la recherche purement formelle. Il propose donc un retour à l’esprit médiéval, époque où art, religion et société se confondaient et où l’artiste et l’artisan ne faisaient d’un. Cependant, ces artistes ne sont pas coupés des évolutions de l’art contemporain et sont marqués en particulier par le cubisme (pour ses recherches formelles) et le surréalisme (pour sa liberté et sa poésie).
D’autres engagements sont plus précis et plus radicaux. Beaucoup d’articles sont en effet consacrés à l’engagement politique d’artistes dans le communisme : Fédération du Théâtre Ouvrier de France, les groupes Octobre et Travail, Antoine Serra, Luis Buñuel, la Liga de Escitores y Artistas Revolucionarios (LEAR) au Mexique. Il nous semble ici que le numéro de la revue ne s’interroge pas assez sur les problèmes que pose cet engagement. Car il est encadré par des partis politiques (le PC) et derrière un Etat, l’Union Soviétique. Cela aurait mérité réflexion, surtout quand on sait ce qui motive l’engagement : la montée en puissance de l’Allemagne nazie, cette dernière mettant l’art au service de sa volonté de puissance.
Il aurait donc fallu questionner cet effet de miroir d’une engagement artistique fortement encadré par le politique dans les deux camps. Ce qui aurait pu amener à approfondir la notion d’engagement.
On en revient alors à l’avant-propos de Guy Palayret. Ce dernier note deux figures de l’engagement chez les artistes : la dénonciation des réalités sociales, la prise de parti sur le terrain politique à l’instar de Zola sur l’affaire Dreyfus. Il restait à préciser en quoi l’engagement politique au XXème siècle diffère de celui du XIXème siècle. En effet, si Zola s’engage politiquement, il ne le fait pas dans une organisation politique structurée par une idéologie, qui plus est une idéologie qui se veut à cette époque prescriptrice sur le terrain esthétique. De ce point de vue, si l’article de Matthieu Le Tallec sur les relations entre surréalistes et trotskistes est le bienvenu, il ne souligne pas assez la force du Manifeste de Breton et Trotski et de son mot d’ordre : « Toute licence en art ! »
En conclusion, ce numéro d’ADEN est à lire par tous ceux qui s’intéressent aux relations entre l’art et l’engagement, par tous ceux qui pensent, comme l’écrit Guy Palayret, « que la veine d’un art militant, en son sens le plus large, n’est pas éteinte ». C’est bien là le plus important.
Philippe BRARD
[1] La revue ADEN – Paul Nizan et les années trente – a été créée en 2002 par le GIEN (Groupe Interdisciplinaire d’Etudes Nizaniennes).
Dissidences, n°3, Printemps 2012
Revue Aden, n°10 : « Artistes, engagez-vous ! » (465 p., 25€).
Dans les années trente, la « tour d'ivoire » des créateurs se fissure au fur et à mesure que la menace fasciste, intérieure mais aussi et surtout extérieure, se fait de plus en plus précise en Europe. Il s'agit d'abord d'être vigilant, puis de s'engager et enfin de prendre parti, de contre-attaquer. Ces différentes phases ne se suivent pas mais s'interpénètrent au gré des situations ou des aires géographiques. Néanmoins, les stratégies différent voire divergent entre militants communistes, anti-staliniens, surréalistes, antifascistes de base etc. Ce dixième volume d'Aden aborde donc ces sujets. Remarquons que notre collectif Dissidences a publié en 2009 un volume sur des problématiques voisines, « L'art comme résistance ». Comme à l'habitude, une série de contributions précède des « Textes et témoignages retrouvés », alors qu'une centaine de pages de comptes rendus d'ouvrages (en majorité) ou de films, expositions etc. ferment le ban. Jean-René Kerézéon en est toujours l'illustrateur attitré. Parmi les contributions de qualité, nous retiendrons celle de Léonor Delaunay, docteure en études théâtrales et spécialiste du théâtre ouvrier (« De l'« agit-prop » au théâtre populaire. Contribution à une anatomie de l'engagement théâtral dans les années 30 »), dans lequel elle aborde les changements de posture de l'engagement communiste dans le théâtre, apportant les nuances nécessaires, mais aussi les précisions pour comprendre comment et pourquoi un théâtre prolétarien et révolutionnaire s'éteint progressivement au profit d'une approche plus consensuelle. Celle de Frédéric Thomas, par ailleurs membre de notre collectif Dissidences, examine l'évolution du cinéaste Luis Buñuel, de l'avant-garde au communisme, à travers une étude de cas, son film documentaire Las Hurdes. Tierra sin pan (Terre sans pain) de 1933. Il note que le « double contexte politique et surréaliste [en] éclaire la réalisation [...] et en surdétermine les enjeux » (p. 173). En effet, le mouvement surréaliste subit en 1932 la rupture entre Aragon et Breton, et le Parti communiste abandonne sa tactique « classe contre classe » pour celle du Front populaire. Mais Buñuel refuse d'être consensuel, il désire que son film provoque plus qu'il n'apaise. Bien avant le moment situationniste, il veut « rendre la honte plus honteuse en la livrant à la publicité ». Si l'article de Mathieu Le Tallec sur les rapports entre les surréalistes et les anti-staliniens, surtout trotskistes, n'apporte rien de neuf, ceux de Aurore Heidelberger, Patrick Dubuis et Pierre-Frédéric Charpentier, le premier sur l'oeuvre chorégraphique pacifiste de l'Allemand Kurt Jooss, le second sur le peintre italien De Pisis et le troisième sur le sculpteur allemand Otto Freundlich, considéré comme « artiste dégénéré » par les nazis, mettent en lumière trois artistes engagés tombés dans l'oubli. Retenons aussi l'article de Robert Mencherini sur un peintre communiste marseillais, Antoine Serra, même si les lecteurs de l'ouvrage de J.-C. Lahaxe, Les communistes à Marseille à l'apogée de la guerre froide (PUP, 2006) connaissent déjà ce militant. L'antifascisme communiste mexicain (L. Velasco-Pufleau), le destin des sculptures soviétiques de l'Exposition universelle de 1937 (A. Dufils, F. Gentili, M. Vacher), le groupe lyonnais Témoignage (S. Dubbeld) complètent les études. La partie « Témoignages » présente, précédée d'un avant-propos extrêmement documenté de Patrice Allain, spécialiste du surréalisme, les procès verbaux de deux séances de l'AEAR, en 1933, qui permettent de comprendre les rapports tumultueux (qui se termineront en rupture) entre communistes et surréalistes. Au final, un fort passionnant volume, comme à l'accoutumé.
[Aden. Paul Nizan et les années trente c/o Anne Mathieu, 11, rue des Trois Rois, 44000 Nantes, 25 € ce n°, abonnement pour 4 n°, 84 € (+ 6 € de port), les anciens n° sont toujours disponibles, sauf les 1, 2 et 5, épuisés, http://www.paul-nizan.fr ]
La revue Aden 10 a été évoquée sur France Culture le mercredi 7 décembre dans la chronique "L'essai et la revue du jour" de Jacques Munier.
Le Monde diplomatique, décembre 2010
ADEN - PAUL NIZAN ET LES ANNÉES 30. Une livraison qui revient sur le thème « Intellectuels, écrivains et journalistes aux côtés de la République espagnole (1936-1939) » en évoquant les figures de Simone Weil, Jean Guéhenno, Tristan Tzara, et en republiant des textes de Pierre Brossolette, Jean Zyromski et Renaud de Jouvenel.
Dissidences, 1er trimestre 2011
Aden. Paul Nizan et les années trente, n° 9, 2010 (octobre), «Intellectuels, écrivains et journalistes aux côtés de la République espagnole (1936-1939), 2e volume », 454 pages.
Dans une présentation toujours aussi soignée, illustrée par les dessins de Jean-René Kerézéon au fil des pages, ce volume est le second sur ces intellectuels venus combattre aux côtés des républicains espagnols, au nom d'une certaine éthique de l'engagement.
Dans son avant-propos, Anne Mathieu revient sur la place centrale et emblématique qu'occupe la Guerre d'Espagne pour les antifascistes passés et présents. Elle insiste également sur l'horizon international de ces écrivains, poètes, reporters, en partie oubliés car dans l'ombre portée des Hemingway, Malraux etc. Donc, parmi les quinze articles de ce volume, la romancière allemande pour la jeunesse Ruth Rewald, le poète britannique W. H. Auden ou le reporter français de L'Humanité, Jean Alloucherie, reprennent vie grâce aux contributions respectives de Mathilde Lévêque, Antony Shuttleworth et Michel Lefebvre. Egalement, Marleen Rensen signe un article très précieux sur l'écrivain Jef Last, communiste et homosexuel, ami de Gide, et Sara Miglietti se penche sur les militants italiens de Giustizia e Liberta, venus dès 1936 combattre aux côtés des anarchistes de la C.N.T. A partir de la perspective de l'histoire vécue par les protagonistes, S. Miglietti tente de répondre à des critiques récentes sur l'activité et l'impact réel de ces combattants. La contribution de A. B. Yabara sur le poète noir américain Langston Hughes possède le grand mérite, pour les lecteurs français, d'attirer l'attention sur un « compagnon de route » du Parti communiste, venu en Espagne apporter son soutien, celui des noirs des Etats-Unis, à travers des reportages pour The Baltimore Afro-American. L'auteur cite de nombreux extraits (traduits) des articles de L. Hughes, à partir d'une anthologie de ses textes sur le monde hispanique, parue en 1977 aux Etats-Unis sous la direction de E. J. Mullen. Néanmoins, les connaissances de l'auteur sur les militants communistes américains semblent parfois superficielles. Ainsi, au détour d'une note (n. 118, p. 44) apparaît le nom du poète noir Claude McKay, ami de L. Hughes, sans qu'il soit fait mention de sa forte implication au sein du Parti communiste étatsunien. Il est un des délégués au IVe Congrès du Komintern en novembre 1922, où il prononce le discours sur la question noire ; il assiste aux cérémonies du Ve anniversaire de la Révolution d'Octobre au milieu des dirigeants bolcheviques, correspond avec ceux du Komintern et signe des articles dans Inprecor, par exemple «The Racial Question» (n° du 21 novembre 1922). Quand à L. Hughes, il est lui aussi impliqué plus fortement dans les activités militantes communistes que les quelques lignes que A. B. Yabara consacre à ce sujet. Ainsi, par exemple, ses poèmes apparaissent dès 1932 dans la revue du Komintern consacrée aux combats des noirs, The Negro Worker (1928-1937), dont son scandaleux texte anti-religieux (en partie traduit dans l'article), « Good bye Christ» (The Negro Worker, vol. II, n° 11-12, novembre-décembre 1932, p. 32). Dans les années vingt et trente, Claude McKay, Langston Hughes et Richard Wright font partie des intellectuels noirs mis en avant par le Parti communiste aux Etats-Unis.
Dans la partie « Textes et témoignages retrouvés », des textes des organes de presses communistes (Regards, Ce soir, Commune), socialistes (Le Populaire) ou syndicalistes révolutionnaires (La Révolution prolétarienne) reflètent les sensibilités de l'époque. Trois contributions sur Nizan, et un fort ensemble de comptes rendus de lectures complètent ce volume. Ajoutons pour terminer que ce numéro, comme les huit précédents, possède d'impressionnantes notes de bas de pages, outils complémentaires pour renseigner encore plus le foisonnement de ces années trente. Le prochain volume porte sur l'engagement des artistes (sortie en octobre 2011).
Gavroche, n°106, mars-juin 2011
Un certain engagement en politique dans les années trente (suite)
En 2006, la revue Aden avait consacré un premier volume à ce thème (cf. Gavroche, n° 150, avril 2007) ; elle annonce, après celui-ci, un prochain numéro dans les années à venir sur ce sujet, démontrant qu'elle a de la suite dans les idées et veut explorer méthodiquement un champ de recherches délaissé.
La présente livraison revendique une plus grande ouverture internationale, largement atteinte, et « la même volonté de faire entendre toutes les sensibilités de la gauche» - une intention louable, mais qui reste problématique pour aborder des événements qui virent une véritable chasse à l'homme dans le camp républicain espagnol et laisse nombre d'impensées dans la façon d'aborder cette période jusqu'à nos jours.
Dans un sommaire parfois inégal, on oubliera vite la contribution sur Simone Weil pour noter que sont abordés des écrivains comme Max Aub, l'auteur du Labyrinthe magique, une saga en six volumes sur la guerre d'Espagne (en cours de traduction française), Ruth Rewald, auteur de l'unique roman allemand pour la jeunesse sur le sujet, le pacifiste Jean Guéhenno, le poète britannique W. H. Auden, l'écrivain hollandais Jef Last, connu pour avoir accompagné André Gide et Eugène Dabit dans leur voyage en U.R.S.S. On lira aussi avec intérêt l'article consacré au groupe antifasciste italien fondé par Carlo Rosselli, Giustizia e Libertà, dont de nombreux militants sont venus se battre en Espagne. Sont aussi évoquées les revues communistes Commune, l'organe de l'Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires, en France, et El Mono Azul, celui de l'Alliance des intellectuels antifascistes pour la défense de la culture, en Espagne : deux publications typiques du discours de la période des Fronts populaires dont la rhétorique à prétention antifasciste s'insère, entre, faut-il le rappeler, la politique dite « classe contre classe» qui ouvrit les voies du pouvoir à Hitler en Allemagne- et celle, « anti-impérialiste », qui suivit la signature du pacte germano-soviétique du 23 août 1939.
La revue poursuit également son exploration des « héritages de Nizan » et offre une substantielle rubrique de notes de lecture.
Un dossier à lire mais en gardant à l'esprit les réflexions de Victor Serge après la mise hors la loi du P.O.U.M. et la démission de Largo Caballero : « Impossible de vaincre le fascisme [ ...] en instituant à l'intérieur un régime de camps de concentration et d'assassinat contre les antifascistes les plus énergiques et les plus sûrs; et en perdant le prestige moral de la démocratie. »
Cahiers Simone Weil, Juin 2011
Alexandre Massipe, « Simone Weil et la guerre d'Espagne : l'idéal révolutionnaire à l'épreuve du réel », Aden, n° 9, octobre 2010, p. 76-89.
Saluons la qualité du dossier, consacré par la revue Aden (dirigée par Anne Mathieu) aux « Intellectuels, écrivains et journalistes aux côtés de la république espagnole (1936-1939) », en deux volumes.
Alexandre Massipe donne une bonne synthèse sur les raisons qui ont poussé Weil, pacifiste extrême, à s'engager à titre personnel dans la guerre d'Espagne. Il suit avec minutie les étapes de cette « éphémère participation», l’« attitude partisane» de S. Weil qui« n'entrave nullement son désir de témoigner des exactions commises par les Républicains espagnols» (p. 84), ce qui permet de relever « un sentiment cher à S. Weil, celui de l'impartialité» (nous aurions parlé plutôt de l'amour de la vérité, qui prend chez elle la forme d'une objectivité permettant de comprendre et de faire comprendre, selon la définition que proposait Ricœur). Les nombreuses citations, judicieusement choisies, font entendre la voix et le ton de S. Weil à propos de ces événements qui ont beaucoup compté dans sa vie et qui ont pesé sur les « réflexions pour déplaire» qu'elle consacrera, à son retour, à l'écart révélé par ce qu'elle a vécu, entre l'idéal révolutionnaire et sa mise en œuvre dans une guerre civile. S. Weil interroge le cœur même de l'idéal, « ses fins mais aussi ses moyens, et plus encore les limites de ces moyens» (p. 87).
Seule la présentation de l'épisode du petit phalangiste, dans la lettre à Bernanos (que cite l'A., p. 88) méritera désormais une autre présentation, puisque des éléments nouveaux éclairent plus précisément cet épisode*.
* Voir Patrick DREVET, «S. Weil en Espagne. Retour sur un passage de la lettre à Bernanos », CSW, XXXII-4, pp. 541-549.
[La mise en ligne de cette revue de presse est due à Thierry Altman]
Le Monde diplomatique, décembre 2009
ADEN. « Anticolonialistes des années 1930 et leurs héritages », c’est à des « marginaux oubliés » que la revue a voulu donner la parole, rappelant la « difficulté de l’émergence de l’anticolonialisme ». Introduite par Anne Mathieu et Benjamin Stora, cette livraison publie des articles sur l’exposition coloniale de 1931, sur la personnalité de Daniel Guérin, ainsi que d’émouvants témoignages de l’époque par des figures oubliées. (N°8, octobre, annuel, 25 euros.)
Encres de Loire, janvier 2010
Aden n° 8. Anticolonialistes des années trente et leurs héritages, 433 p., 25 €. ISBN 978-2805901959. Groupe Interdisciplinaire d'Etudes Nizaniennes
Bien avant les années 1950-1960, des voix anticolonialistes marginales préparèrent lesconditions du combat postérieur. Cenuméro présente des figures importantes et oubliées de cette lutte en germe, (Habib Bourguiba, Daniel Guérin, Messali Hadj, Magdeleine Paz, ou Andrée Viollis) et montre comment différents courants étaient alors à l'œuvre, offrant une diversité de cet engagement etune complexité également annonciatrices des années d'après-guerre.
Dissidences, 1er semestre 2010
Aden. Paul Nizan et les années trente n°8, octobre 2009, «Anticolonialistes des années trente et leurs héritages », 445 p.
Ce volumineux dossier de cette excellente revue (excellence des thèmes depuis le début et excellence de la forme : reproduction de documents, abondance de notes de bas de pages renseignées, illustrations de Jean-René Kerézéon) aborde cette fois ces militants anticolonialistes, « marginaux » plus ou moins oubliés, car luttant au coeur d'un moment historique hanté prioritairement par les menaces nazies et fascistes. Publiée maintenant par les éditions belges Aden (cela semble aller de soi, n'est-ce pas ?), cette revue accueille pour ce volume quelques spécialistes des thèmes ou des figures anticolonialistes, parmi lesquels, ne soyons pas modestes, figurent deux membres éminents de Dissidences. Thierry Hohl retrace l'évolution d'un Daniel Guérin, qui radicalise ses positions devant « l'impossible réception » de ses analyses dans la S.F.I.O., alors que Vincent Chambarlhac, à partir du roman (inédit) du militant communiste Pierre Sémard, Bamba, le petit diable noir, travaille sur « le monde de significations qui enserre l'imaginaire social du fait colonial » (p. 122). Pierre Herbart (P. Lecoeur), Jean Guéhenno (G. Sat), les littérateurs pour la jeunesse (M. Lévêque), Magdeleine Paz (A. Mathieu), l'Exposition coloniale de Vincennes de 1931 (A. Ruscio) ou les positions différentes des familles politiques de la gauche révolutionnaire au temps du Front populaire forment la trame de ce panorama. On regrettera peut-être le caractère daté (1983) de ce dernier article, de Benjamin Stora, qui, bien que fort éclairant, aurait sans aucun doute mérité d'être retravaillé, plutôt que simplement « remanié » (p. 19), la majorité des travaux cités étant vraiment anciens. L'entretien que cet auteur accorde à la revue permet de préciser certains points, néanmoins. La seconde partie, comme à l'accoutumée, comporte des textes, des témoignages dont une vingtaine de pages consacrées à Andrée Viollis, une des grandes « Voix » anticolonialistes de ces années trente. Comme toute revue qui se respecte, les comptes rendus divers terminent ce volume. Au final, qu'on nous permette de paraphraser Paul Nizan : la France possédait une littérature coloniale, reflet de son empire colonial, et cela ne pouvait que susciter une littérature anticoloniale. Les écrits contrastés - humanistes, proto-réformistes, révoltés, révolutionnaires - des premiers militants et intellectuels anticolonialistes, parmi lesquels on remarque de hautes et nobles figures féminines comme celle de Magdeleine Paz finement retracée par Anne Mathieu, jettent les bases sur lesquelles se solidifieront dans les années cinquante et soixante de puissantes solidarités. Numéro incontournable donc, surtout pour remettre en perspective des combats internationalistes qui ne devaient rien aux problématiques indigénistes ou aux idéologies identitaires si complaisamment exhibées, de nos jours, dans certains lieux.
Gavroche, avril-juin 2010
Les débuts de l'anticolonialisme
La revue Adenpoursuit son exploration thématique des années 30 avec un volumineux dossier sur les anticolonialistes de cette décennie charnière. Elle voit en effet l'idéologie colonialiste atteindre des sommets dans l'opinion avec le succès des expositions coloniales qui voient défiler des millions de visiteurs venus communier dans un exotisme de pacotille et la mise en scène de « races inférieures » à qui une « France généreuse » vient apporter les «bienfaits de la civilisation». En même temps, et malgré ce consensus apparent, une critique radicale du colonialisme se développe qui, malgré son caractère minoritaire et marginal, annonce la grande vague des luttes anticoloniales qui suit la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Parmi ces anticolonialistes, la revue met en avant ceux de la gauche socialiste révolutionnaire avec la réédition d'un article de Benjamin Stora sur le sujet. Elle s'intéresse aussi à la figure singulière de Daniel Guérin ou à celle, oubliée, de Magdeleine Paz, ainsi qu'à la critique, ferme mais isolée, de l'Exposition coloniale de Paris (1931). Elle évoque aussi la littérature pour la jeunesse et les écrivains Pierre Herbart et Jean Guéhenno avant une rubrique de textes retrouvés qui rappelle la voix d'écrivains, de journalistes et de témoins engagés de l'époque, en particulier celle d'André Viollis, dont le témoignage Indochine SOS a été récemment réédité. Malgré l'intérêt de certains de ces textes, l'on ne peut s'empêcher de leur trouver une tonalité assez « Front populaire », voire « compagnons de route » - sensible dans le choix des journaux et revues d'où la plupart sont extraits (Libération, Marianne, Vendredi, Les Volontaires, Vu, etc.) - à l'exception de l'article de Jean Leunois paru dans la revue syndicaliste La Révolution prolétarienne. Ce dossier est accompagné des rubriques habituelles de la revue (« Du côté de Paul Nizan» ; « Comptes rendus de lecture »).
[La mise en ligne de cette revue de presse est due à Thierry Altman]
Quinzinzinli, automne 2008
ADEN, PAUL NIZAN ET LES ANNÉES 30
Bien sûr, il y a quelques similitudes de parcours et de pensée entre Paul Nizan et Régis Messac, mais nous attendions surtout ce numéro d’Aden, consacré au pacifisme et à l’antimilitarisme des années trente, pour l’article que nous avait annoncé Natacha Vas Deyres sur Régis Messac et Jacques Spitz : « Guerre et paix dans la science-fiction française des années trente » (voir extraits en p. 14 & 15). Par la même occasion, nous y avons découvert l’intéressant compte rendu de lecture que donne François Ouellet de Quinzinziuli (voir extraits en p. 16).
Notre attention à ce numéro porte également sur un article d’Arnaud Blouin : "La Révolution prolétarienne " qui n’est autre que le titre éponyme de la revue « syndicaliste révolutionnaire » à laquelle Régis Messac a apporté sa contribution. Malgré quelques erreurs relevées dans les notes, cet article nous offre quelques éléments de recherche sur la Ligue internationale des combattants de la paix (voir à ce propos en p. 14), et sur l’œuvre journalistique de Messac à travers deux des organes de presse pacifistes auxquels il a collaboré : La Patrie humaine et Le Barrage. Des références biographiques aussi sur plusieurs de ses amis et des collaborateurs de la revue des Primaires. Il ressort de la lecture de cet article comme de quelques autres que les enseignants, les instituteurs en particulier, ont joué un rôle important dans le mouvement pacifiste de l’entre-deux-guerres.
Figure aussi au sommaire de ce numéro, un article sur le thème dit de « la Révolution culturelle de Mai 1968 et des pamphlets dans les années trente ». On ne peut que regretter, sinon déplorer, que Régis Messac et son essai La Révolution culturelle (Nouvel-Âge, 1938-1939) n’aient pas retenu l’attention de l’auteur de l’article. Enfin, nous avons été ravis de trouver dans ce numéro d’Aden un hommage rendu par Eric Nadaud à Robert Fuzier, journaliste socialiste et collaborateur de Léo Lagrange, dont nous publions (ci-contre) un de ses dessins politiques.
Le Monde diplomatique, décembre 2008
ADEN - PAUL NIZAN ET LES ANNÉES TRENTE. Autour du thème « Pacifisme et antimilitarisme », la revue revient sur le pacifisme des syndicalistes révolutionnaires de la revue La Révolution prolétarienne, analyse la place des notions de guerre et de paix dans la science-fiction française des années 1930, donne un aperçu de la gauche pacifiste espagnole... (N° 7. octobre, annuel. 25 euros.)
Dissidences, 1er semestre 2009
Aden. Paul Nizan et les années trente, n° 7, « Pacifisme et antimilitarisme », n° 7, octobre 2008, 395 p.
La dernière parution du Groupe Interdisciplinaire d'Etudes Nizaniennes (G.I.E.N.) de Nantes est centrée sur les thématiques du pacifisme et de l'antimilitarisme, dans l'entre-deux-guerres comme il se doit d'après le bornage de la revue. Une première remarque tout d'abord : les différentes composantes du pacifisme, les pacifismes donc, tiennent une place sensiblement plus importante dans ce dossier que l'antimilitarisme révolutionnaire stricto sensu, tel qu'il pouvait par exemple se repérer au sein du Parti communiste (le fameux « travail anti ») au début des années trente, avant que ce dernier n'adhère au principe de Défense nationale. Membres d'une « minorité héroïque face à l'époque » (d'après V. Chambarlhac), les pacifistes sont de plus divisés, c'est ce qui ressort des contributions, entre autres de Arnaud Blouin (« Le pacifisme du noyau syndicaliste révolutionnaire de La Révolution prolétarienne (1914-1939) »), de Vincent Chambarlhac (« 1914-193... Une mémoire brisée ? Entre marginalisation et fidélité, le combat des pacifistes de la Grande Guerre dans les années 30 ») ou de Pierre-Frédéric Charpentier (« Automne 1939, l'échec face à la guerre. Les cas de Louis Lecoin et de Henri Jeanson »). Ces clivages sont générationnels, mais surtout ils apparaissent et persistent à propos de la nature exacte du régime nazi qui s'installe en Allemagne dès 1933 (une mouture seulement renouvelée du Capital, auquel cas le défaitisme révolutionnaire doit s'appliquer, ou bien menace inédite nécessitant un surcroît d'analyses spécifiquement adaptées ?). L'existence, elle aussi nouvelle, de l'U.R.S.S., premier État ouvrier de la planète pour les uns ou figure tutélaire d'un totalitarisme qui ne demande qu'à s'étendre pour les autres (le régime et le mot, voué, on le sait, à une postérité envahissante), favorise une « confusion irrémédiable » (p. 13). Du projet pacifiste chez l'écrivain Victor Margueritte aux divisions (encore et toujours, donc) parmi les Espagnols, préfigurant les futurs affrontements entre communistes et libertaires à partir de 1937, en passant par le combat des pacifistes de la S.F.I.O .à la veille de la guerre de 1939-1945, qui apparaît comme « un jalon important dans l'histoire des déviations socialistes» (p. 157) forment la trame des articles de Nicolas Di Méo, Gaël Pilorget-Brahic et Eric Nadaud, respectivement. Enfin, une étude de Natacha Vas Deyres qui devrait faire plaisir à l'un des directeurs de notre rédaction, Jean-Guillaume Lanuque, grand « messacquien » s'il en est, « Guerre et Paix dans la science-fiction française des années 30. Sur Régis Messac et Jacques Spitz ». Des documents, comme à chaque dossier, accompagnent les analyses, et on y remarquera des textes de Victor Serge ou d'Angelo Tasca (sous le pseudonyme de André Leroux) mais surtout un violent réquisitoire contre la guerre, Les Acharniens d'Aristophane, pièce adaptée par Paul Nizan en 1937, et rééditée pour la première fois depuis, grâce au travail extraordinaire d'érudition de Romain Piana, chercheur en études théâtrales. L'actualité et les héritages de Nizan (dont un article de Anne Mathieu qui met les « points sur les i» à propos de Bernard-Henri Lévy et un entretien avec le comédien et metteur en scène Didier Bezace, qui a monté Aden Arabie au Théâtre d'Aubervilliers en novembre 2008), de très nombreux comptes rendus de lectures, qui enrichissent nos connaissances culturelles et des illustrations de J.-R. Kerézéon, Marc Deniau et de Robert Fuzier (illustrateur de la presse socialiste dans les années trente, puis de la presse communiste dans les années de guerre froide) complètent ce fort volume. N'en doutons point, il figurera dans votre bibliothèque, entre Antimilitarisme et Révolution de J.- Y. Potel et A.Brossat (UGE, 10-18, 1976) et Objecteurs, insoumis, déserteurs. Histoire des réfractaires en France (Stock 2, 1983).
Gavroche, janvier-mars 2009
ADEN, N° 7, octobre 2008, « Pacifisme et antimilitarisme », 304 p., 25 €
Poursuivant son exploration thématique des années 1930, la revue du « Groupe Interdisciplinaire d'Etudes Nizaniennes » s'intéresse à deux sujets centraux de cette décennie bouleversée : le pacifisme et l'antimilitarisme.
Sont abordés ainsi dans ce dossier, parfois inégal, le pacifisme de l'équipe de la revue syndicaliste révolutionnaire La Révolution prolétarienne, le combat des pacifistes de la guerre de 1914-1918 durant les années 30, le thème de la guerre et de la paix dans la science-fiction française de l'époque, les cas de Louis Lecoin, Henri Jeanson, Victor Margueritte, et celui des pacifistes de la S.F.I.O. On se félicitera, en particulier, de voir des études enfin consacrées à La Révolution prolétarienne qui est, après La Vie ouvrière d'avant 1914, une grande revue syndicaliste dans la tradition de Fernand Pelloutier et de l'autonomie ouvrière. Et l'on peut espérer qu'Aden reviendra ultérieurement sur ce thème décisif pour la période qui est loin d'être épuisé avec ce dossier…
On notera aussi une substantielle rubrique de textes retrouvés où les inconditionnels de Nizan retrouveront la réédition de la pièce d'Aristophane, Les Acharniens , adaptée en 1937 par leur auteur favori ; les autres pourront lire trois articles de Victor Serge sur la marche à la guerre dans le quotidien belge La Wallonie et une analyse originale d'Angelo Tasca sur la résistance au fascisme « pour gagner la paix ».
Comme à l'accoutumée, la revue se termine par les actualités nizaniennes, une copieuse et utile moisson de notes de lecture et l'annonce du thème du prochain numéro : les anticolonialistes des années 30 et leurs héritages.
Courant alternatif, février 2009
Aden, n°7, octobre 2008. Revue du G.I.E.N. (revue du Groupe Interdisciplinaire d’Etudes Nizaniennes), Pacifisme et antimilitarisme, 400 pages, 25 euros
Après avoir eu raison de s’opposer à l’Union sacrée en 1914 (voir numéro spécial de Courant alternatif, "14-18, Le creuset des totalitarismes"), ceux qui, en 1939, sont restés sur la même ligne, ont-ils eu tort ? C’est ce qui se dit souvent, sous le prétexte qu’en 39 il y avait le fascisme et le nazisme et que, par conséquent, l’entrée en guerre aurait été aussi un moyen de les combattre, alors qu’en 1914 aucun fossé idéologique ne séparait les adversaires. Pointés du doigt, les « pacifistes intégraux » à qui l’on reproche, pour n’avoir pas su comprendre que les deux périodes n’étaient pas identiques, d’avoir parfois flirté avec la « collaboration ». Il y en eut, c’est vrai, mais il ne faut pas oublier de dire que parmi les « donneurs de leçon » quelques-uns oublièrent le caractère « impérialiste » de la guerre qui demeurait, comme en 14, le moteur fondamental du conflit. Il y eut, parmi les pacifistes, un Lecoin avec son Manifeste « Paix immédiate », mais aussi d’autres qui, contre le fascisme et contre la démocratie, se proclamaient « révolutionnaires », « défaitistes » et « internationalistes », comme une partie de la rédaction de La Révolution prolétarienne.
Ces questions paraissent lointaines, mais d’un premier abord seulement, car elles touchent de près tous les choix politiques actuels, au centre desquels on trouve un serpent de mer : la démocratie, quelle démocratie ? Sommes-nous condamnés en dernière instance à la défendre ? et dans ce cas autant entrer au P.S. tout de suite (ce que font finalement beaucoup de trotskistes).
Si cela vous interroge, allez donc vous promener dans cette livraison d’Aden et vous y côtoierez Victor Margueritte et Victor Serge, Monatte et Rosmer, Wladimir Pozner et Lecoin, la Paix, la Guerre, les défaites et les espoirs du mouvement ouvrier. Et puis, en prime, vous aurez droit à une vigoureuse charge d’Anne Mathieu qui règle son compte à un dénommé BHL à propos des Chiens de garde de Nizan.
Le prochain numéro de la revue prévu pour octobre 2009 fait saliver : « Anticolonialistes dans les années trente et leurs héritages ».
L'Ours, juillet-août 2009
EN REVUE
Pacifistes, combien de divisions?« Pacifisme et antimilitarisme » ADEN Paul Nizan et les années trente n° 7 octobre 2008 394 p., 25 €
D'emblée, les auteurs confirment le traumatisme de longue durée que constitua la Grande Guerre et le poids d'un pacifisme « plus jamais ça » qui, comme l'a montré en son temps Antoine Prost, imprègne la société française. Face aux erreurs du traité de Versailles et à l'expansionnisme des régimes fascistes, les pacifistes pressentent le danger d'une nouvelle guerre et se mobilisent contre elle. Mais, incapables de se rassembler, ils se dispersent au sein des partis et organisations, où ils ne constituent souvent qu'une tendance minoritaire.
PACIFISME ET ANTIFASCISME
Car ils sont divisés. Un fossé sépare les plus âgés, influencés par Romain Rolland ou le défaitisme révolutionnaire de Trotski, des plus jeunes, plus sensibles à la nouveauté et à la dangerosité de ces régimes, l'Allemagne nazie et l'U.R.S.S. stalinienne. À cette époque, le concept de totalitarisme n'existe pas encore - Hannah Arendt l'utilisera la première en 1951 - et rares les penseurs qui osent une comparaison entre les deux régimes. Les pacifistes n'interprètent pas tous le nazisme de la même façon : les uns, dans une vision marxiste, n'y voient qu'un ultime avatar du capitalisme annonçant son dépérissement final ; d'autres, plus sensibles à sa nature totalitaire et antisémite, considèrent qu'il représente un danger inédit. De même, les uns croient à l'efficacité d'une alliance antifasciste avec l'U.R.S.S., d'autres n'hésitent pas à condamner sans appel le stalinisme. Le pacte germano-soviétique d'août 1939 accentuera la confusion. Au final, ces divisions affectent aussi bien les modalités d'action des pacifistes, que leur grille de lecture d'événements tels que les accords de Munich de septembre 1938 ou que le pacte germano-soviétique précédemment évoqué.
Dans la première partie, Arnaud Blouin analyse le noyau syndicaliste révolutionnaire de La Révolution prolétarienne de 1914 à 1939 ; Vincent Chambarlhac s'interroge sur « la mémoire brisée » des pacifistes de la Grande Guerre ; Pierre-Frédéric Charpentier propose une étude de cas : l'échec de Louis Lecoin et d'Henri Jeanson face à la guerre à l'automne 1939 ; Natacha Vas Deyres propose une étude originale sur la Guerre et la Paix dans la science-fiction française à travers les œuvres de Régis Messac et Jacques Spitz ; Nicolas Di Méo analyse le pacifisme spécifique du célèbre auteur de La Garçonne, Victor Margueritte ; dans une perspective comparatiste, Gaël Pilorget-Brahic nous fait découvrir la gauche pacifiste espagnole au Congrès mondial contre la guerre de 1932 ; Éric Nadaud brosse un portrait enlevé du dessinateur Robert Fuzier dont il commente un dessin ; enfin, dans une dernière contribution, le même auteur analyse l'évolution des pacifistes au sein de la S.F.I.O .du congrès socialiste de Nantes en juin 1939 à la défaite de la France en juin 1940.
Dans la partie « Textes et témoignages retrouvés », Anthony Glinoer commente quelques chroniques de l'ancien trotskiste et révolutionnaire professionnel, Victor Serge, dans La Wallonie où l'on constate qu'il refuse de croire la guerre inéluctable. Puis Gilles Vergnon présente un article d'Angelo Tasca, publié sous le pseudonyme d'André Leroux, dans Agir pour la paix, pour le socialisme, créé par des blumistes anti-munichois en décembre 1938 et qui montre que, bien que camouflée, la scission de la S.F.I.O. entre blumistes et paul-fauristes est bel et bien en marche. Puis sont présentés les souvenirs de Vladimir Pozner sur Arnold Zweig, l'ancien combattant, qu'il rencontra en 1938, alors qu'il se savait bientôt soldat.
Enfin, la revue a fait le choix courageux de rééditer l'adaptation par Paul Nizan des Archaniens d'Aristophane, adaptation inédite depuis 1937. Dans une postface, Romain Piana, spécialiste du théâtre, présente ce violent réquisitoire contre la guerre, adapté pour Solomon Mikhoels et Benjamin Souskine du Théâtre juif d'État de Moscou.
À partir de ce kaléidoscope, ce numéro propose une stimulante réflexion sur la nébuleuse pacifiste des années trente, ses divisions, ses contradictions et son impuissance face à la guerre.
NOËLLINE CASTAGNEZ
L’émission « A plus d’un titre » de Jacques Munier, sur France Culture, a été consacrée le 19 juin 2009 à la revue Aden (interview d’Anne Mathieu et Guy Palayret). Aden y avait été évoqué auparavant, le 20 janvier, par André Chabin.
[La mise en ligne de cette revue de presse est due à Thierry Altman]