Le Monde diplomatique, novembre 2003
ADEN. Comparaisons entre Nizan et Simenon, entre le Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire et Les Chiens de garde ; la revue revient sur Nizan et le pacte germano-soviétique.
Ouest-France, 18 décembre 2003
Des chercheurs explorent l’actualité de l’auteur des Chiens de garde
Ils passent Nizan en revue
Le n°2 de la revue Aden vient de paraître. Des chercheurs de différentes disciplines y rendent compte de la pérennité de l’œuvre et de l’engagement de Paul Nizan, l’auteur d’Aden Arabie et des Chiens de garde qui fit un bref séjour à Nantes.
Du côté d’Aden, quoi de neuf ? La question posée ici n’est pas d’ordre géopolitique. Quoique…
Concernant Paul Nizan (1905-1940), elle traverse des champs multiples. Celui de l’histoire locale et de la biographie (à Nantes, il est passé). Celui de la politique (communiste, il a milité). Celui de la médiologie (journaliste, il a été à L’Humanité puis à Ce soir où il a dirigé la page de politique étrangère). Celui du mythe aussi (figure du révolté, il demeure). Pour y voir plus clair et retrouver au-delà de l’image l’auteur d’Antoine Bloyé, de La Conspiration et des Chiens de garde, le G.I.E.N. est là qui veille au grain. Derrière l’acronyme, le groupe interdisciplinaire d’études nizaniennes, qui compte plusieurs Nantais parmi son comité d’édition et ses collaborateurs, rend compte de cette identité complexe.
Interdisciplinaire, l’association ne constitue aucunement une société des « amis » mais un pôle de réflexion. Créée en décembre 2000, elle replace l’intellectuel en son temps, interroge l’héritage de Nizan, construit des ponts et parallèles. Et bouscule les formules qui font de l’homme un communiste impossible.
Bloyé de Nantes
Ce faisant, on retrouve, en 1918, Paul Nizan inscrit comme externe surveillé au Lycée de Nantes dans la classe de quatrième A2. Le passage ne durera que quelques mois, mais il dépasse l’anecdote pour s’inscrire dans les pages de La Conspiration.
Et surtout dans celles d’Antoine Bloyé : « Nantes et une ville où le commerce de la mer, les banques, les usines, les faces blanches des femmes dévotes, la mort et l’inquiétude sont des éléments mystérieux d’une vie que nulle autre ville française n’impose à ses habitants. Les gens de Nantes, accoutumés depuis leur enfance aux façons de leur ville, ne prennent plus garde à l’air qu’on respire sur les deux rives de la Loire. »
C’est ce lien que tisse notamment Jean-Louis Liters au fil d’un article intitulé « Nizan et Simenon en mal de père dans le port de Nantes ». Ceci quand Régis Antoine explore la critique de l’idée de nation chez les écrivains communistes surréalistes et progressistes de l’entre-deux-guerres, Salim Ahamada évoque Césaire en regard, Anne Mathieu, le journaliste antifasciste.
Quant à Maurice Arpin, il revient aux sources d’une identité politique, en évoquant Aden Arabie. Écrit de jeunesse fougueux, récit de voyage subverti, pamphlet… Avec ce séjour et ce titre, Nizan devient une figure mythique de la révolte. Celle que Sartre évoquait lors de la nouvelle parution du livre chez Maspero en 1960. Un portrait inachevé.
Yves Aumont
L'Histoire, mars 2004
« Je t'envoie ma démission du parti. .. »
« Je t'envoie ma démission du Parti communiste français. Ma condition présente de soldat mobilisé m'interdit d'ajouter à ces lignes le moindre commentaire. » C’est par ces quelques mots adressés le 25 septembre 1939 à Jacques Duclos, numéro deux du parti, que Paul Nizan annonce sa rupture après l'annonce du Pacte germano-soviétique.
S’il n'est pas le seul communiste à couper les amarres, il est assurément le seul intellectuel de renom, écrit Pierre-Frédéric Charpentier, à le faire publiquement. Ses anciens camarades ne s’y trompent d'ailleurs pas, qui vont déclencher contre lui, Thorez en tête, une campagne de diffamation - un vrai « procès stalinien par contumace » - sans qu’il ait jamais pu répondre : il meurt, le 23 mai 1940, lors de l’offensive allemande. On sait aussi qu'Aragon, en 1949, fera de lui le traître dans Les Communistes sous les traits d'Orfilat.
Collaborateur du quotidien communiste Ce Soir depuis 1937, année de sa fondation, Nizan, comme beaucoup, n'a pas vu arriver le revirement de Staline. Jusqu'au bout, il a cru à un accord entre Français, Britanniques et Soviétiques. «L’Allemagne sera à genoux », lança-t-il, plein d'assurance, à Sartre et à Beauvoir, à la mi-juillet, avant de partir en Corse.
C'est là où la nouvelle du pacte Staline-Ribbentrop vient le surprendre. D'où sa colère, même s'il sait que l'histoire lui rendra justice. « Sur le fond, écrit-il en octobre 1939 à Henriette, sa femme, je crois avoir raison.- il n y a que les événements qui me confirmeront ou m'infirmeront. »
[La mise en ligne de cette revue de presse est due à Thierry Altman]