Quinzinzinli, automne 2008
ADEN, PAUL NIZAN ET LES ANNÉES 30
Bien sûr, il y a quelques similitudes de parcours et de pensée entre Paul Nizan et Régis Messac, mais nous attendions surtout ce numéro d’Aden, consacré au pacifisme et à l’antimilitarisme des années trente, pour l’article que nous avait annoncé Natacha Vas Deyres sur Régis Messac et Jacques Spitz : « Guerre et paix dans la science-fiction française des années trente » (voir extraits en p. 14 & 15). Par la même occasion, nous y avons découvert l’intéressant compte rendu de lecture que donne François Ouellet de Quinzinziuli (voir extraits en p. 16).
Notre attention à ce numéro porte également sur un article d’Arnaud Blouin : "La Révolution prolétarienne " qui n’est autre que le titre éponyme de la revue « syndicaliste révolutionnaire » à laquelle Régis Messac a apporté sa contribution. Malgré quelques erreurs relevées dans les notes, cet article nous offre quelques éléments de recherche sur la Ligue internationale des combattants de la paix (voir à ce propos en p. 14), et sur l’œuvre journalistique de Messac à travers deux des organes de presse pacifistes auxquels il a collaboré : La Patrie humaine et Le Barrage. Des références biographiques aussi sur plusieurs de ses amis et des collaborateurs de la revue des Primaires. Il ressort de la lecture de cet article comme de quelques autres que les enseignants, les instituteurs en particulier, ont joué un rôle important dans le mouvement pacifiste de l’entre-deux-guerres.
Figure aussi au sommaire de ce numéro, un article sur le thème dit de « la Révolution culturelle de Mai 1968 et des pamphlets dans les années trente ». On ne peut que regretter, sinon déplorer, que Régis Messac et son essai La Révolution culturelle (Nouvel-Âge, 1938-1939) n’aient pas retenu l’attention de l’auteur de l’article. Enfin, nous avons été ravis de trouver dans ce numéro d’Aden un hommage rendu par Eric Nadaud à Robert Fuzier, journaliste socialiste et collaborateur de Léo Lagrange, dont nous publions (ci-contre) un de ses dessins politiques.
Le Monde diplomatique, décembre 2008
ADEN - PAUL NIZAN ET LES ANNÉES TRENTE. Autour du thème « Pacifisme et antimilitarisme », la revue revient sur le pacifisme des syndicalistes révolutionnaires de la revue La Révolution prolétarienne, analyse la place des notions de guerre et de paix dans la science-fiction française des années 1930, donne un aperçu de la gauche pacifiste espagnole... (N° 7. octobre, annuel. 25 euros.)
Dissidences, 1er semestre 2009
Aden. Paul Nizan et les années trente, n° 7, « Pacifisme et antimilitarisme », n° 7, octobre 2008, 395 p.
La dernière parution du Groupe Interdisciplinaire d'Etudes Nizaniennes (G.I.E.N.) de Nantes est centrée sur les thématiques du pacifisme et de l'antimilitarisme, dans l'entre-deux-guerres comme il se doit d'après le bornage de la revue. Une première remarque tout d'abord : les différentes composantes du pacifisme, les pacifismes donc, tiennent une place sensiblement plus importante dans ce dossier que l'antimilitarisme révolutionnaire stricto sensu, tel qu'il pouvait par exemple se repérer au sein du Parti communiste (le fameux « travail anti ») au début des années trente, avant que ce dernier n'adhère au principe de Défense nationale. Membres d'une « minorité héroïque face à l'époque » (d'après V. Chambarlhac), les pacifistes sont de plus divisés, c'est ce qui ressort des contributions, entre autres de Arnaud Blouin (« Le pacifisme du noyau syndicaliste révolutionnaire de La Révolution prolétarienne (1914-1939) »), de Vincent Chambarlhac (« 1914-193... Une mémoire brisée ? Entre marginalisation et fidélité, le combat des pacifistes de la Grande Guerre dans les années 30 ») ou de Pierre-Frédéric Charpentier (« Automne 1939, l'échec face à la guerre. Les cas de Louis Lecoin et de Henri Jeanson »). Ces clivages sont générationnels, mais surtout ils apparaissent et persistent à propos de la nature exacte du régime nazi qui s'installe en Allemagne dès 1933 (une mouture seulement renouvelée du Capital, auquel cas le défaitisme révolutionnaire doit s'appliquer, ou bien menace inédite nécessitant un surcroît d'analyses spécifiquement adaptées ?). L'existence, elle aussi nouvelle, de l'U.R.S.S., premier État ouvrier de la planète pour les uns ou figure tutélaire d'un totalitarisme qui ne demande qu'à s'étendre pour les autres (le régime et le mot, voué, on le sait, à une postérité envahissante), favorise une « confusion irrémédiable » (p. 13). Du projet pacifiste chez l'écrivain Victor Margueritte aux divisions (encore et toujours, donc) parmi les Espagnols, préfigurant les futurs affrontements entre communistes et libertaires à partir de 1937, en passant par le combat des pacifistes de la S.F.I.O .à la veille de la guerre de 1939-1945, qui apparaît comme « un jalon important dans l'histoire des déviations socialistes» (p. 157) forment la trame des articles de Nicolas Di Méo, Gaël Pilorget-Brahic et Eric Nadaud, respectivement. Enfin, une étude de Natacha Vas Deyres qui devrait faire plaisir à l'un des directeurs de notre rédaction, Jean-Guillaume Lanuque, grand « messacquien » s'il en est, « Guerre et Paix dans la science-fiction française des années 30. Sur Régis Messac et Jacques Spitz ». Des documents, comme à chaque dossier, accompagnent les analyses, et on y remarquera des textes de Victor Serge ou d'Angelo Tasca (sous le pseudonyme de André Leroux) mais surtout un violent réquisitoire contre la guerre, Les Acharniens d'Aristophane, pièce adaptée par Paul Nizan en 1937, et rééditée pour la première fois depuis, grâce au travail extraordinaire d'érudition de Romain Piana, chercheur en études théâtrales. L'actualité et les héritages de Nizan (dont un article de Anne Mathieu qui met les « points sur les i» à propos de Bernard-Henri Lévy et un entretien avec le comédien et metteur en scène Didier Bezace, qui a monté Aden Arabie au Théâtre d'Aubervilliers en novembre 2008), de très nombreux comptes rendus de lectures, qui enrichissent nos connaissances culturelles et des illustrations de J.-R. Kerézéon, Marc Deniau et de Robert Fuzier (illustrateur de la presse socialiste dans les années trente, puis de la presse communiste dans les années de guerre froide) complètent ce fort volume. N'en doutons point, il figurera dans votre bibliothèque, entre Antimilitarisme et Révolution de J.- Y. Potel et A.Brossat (UGE, 10-18, 1976) et Objecteurs, insoumis, déserteurs. Histoire des réfractaires en France (Stock 2, 1983).
Gavroche, janvier-mars 2009
ADEN, N° 7, octobre 2008, « Pacifisme et antimilitarisme », 304 p., 25 €
Poursuivant son exploration thématique des années 1930, la revue du « Groupe Interdisciplinaire d'Etudes Nizaniennes » s'intéresse à deux sujets centraux de cette décennie bouleversée : le pacifisme et l'antimilitarisme.
Sont abordés ainsi dans ce dossier, parfois inégal, le pacifisme de l'équipe de la revue syndicaliste révolutionnaire La Révolution prolétarienne, le combat des pacifistes de la guerre de 1914-1918 durant les années 30, le thème de la guerre et de la paix dans la science-fiction française de l'époque, les cas de Louis Lecoin, Henri Jeanson, Victor Margueritte, et celui des pacifistes de la S.F.I.O. On se félicitera, en particulier, de voir des études enfin consacrées à La Révolution prolétarienne qui est, après La Vie ouvrière d'avant 1914, une grande revue syndicaliste dans la tradition de Fernand Pelloutier et de l'autonomie ouvrière. Et l'on peut espérer qu'Aden reviendra ultérieurement sur ce thème décisif pour la période qui est loin d'être épuisé avec ce dossier…
On notera aussi une substantielle rubrique de textes retrouvés où les inconditionnels de Nizan retrouveront la réédition de la pièce d'Aristophane, Les Acharniens , adaptée en 1937 par leur auteur favori ; les autres pourront lire trois articles de Victor Serge sur la marche à la guerre dans le quotidien belge La Wallonie et une analyse originale d'Angelo Tasca sur la résistance au fascisme « pour gagner la paix ».
Comme à l'accoutumée, la revue se termine par les actualités nizaniennes, une copieuse et utile moisson de notes de lecture et l'annonce du thème du prochain numéro : les anticolonialistes des années 30 et leurs héritages.
Courant alternatif, février 2009
Aden, n°7, octobre 2008. Revue du G.I.E.N. (revue du Groupe Interdisciplinaire d’Etudes Nizaniennes), Pacifisme et antimilitarisme, 400 pages, 25 euros
Après avoir eu raison de s’opposer à l’Union sacrée en 1914 (voir numéro spécial de Courant alternatif, "14-18, Le creuset des totalitarismes"), ceux qui, en 1939, sont restés sur la même ligne, ont-ils eu tort ? C’est ce qui se dit souvent, sous le prétexte qu’en 39 il y avait le fascisme et le nazisme et que, par conséquent, l’entrée en guerre aurait été aussi un moyen de les combattre, alors qu’en 1914 aucun fossé idéologique ne séparait les adversaires. Pointés du doigt, les « pacifistes intégraux » à qui l’on reproche, pour n’avoir pas su comprendre que les deux périodes n’étaient pas identiques, d’avoir parfois flirté avec la « collaboration ». Il y en eut, c’est vrai, mais il ne faut pas oublier de dire que parmi les « donneurs de leçon » quelques-uns oublièrent le caractère « impérialiste » de la guerre qui demeurait, comme en 14, le moteur fondamental du conflit. Il y eut, parmi les pacifistes, un Lecoin avec son Manifeste « Paix immédiate », mais aussi d’autres qui, contre le fascisme et contre la démocratie, se proclamaient « révolutionnaires », « défaitistes » et « internationalistes », comme une partie de la rédaction de La Révolution prolétarienne.
Ces questions paraissent lointaines, mais d’un premier abord seulement, car elles touchent de près tous les choix politiques actuels, au centre desquels on trouve un serpent de mer : la démocratie, quelle démocratie ? Sommes-nous condamnés en dernière instance à la défendre ? et dans ce cas autant entrer au P.S. tout de suite (ce que font finalement beaucoup de trotskistes).
Si cela vous interroge, allez donc vous promener dans cette livraison d’Aden et vous y côtoierez Victor Margueritte et Victor Serge, Monatte et Rosmer, Wladimir Pozner et Lecoin, la Paix, la Guerre, les défaites et les espoirs du mouvement ouvrier. Et puis, en prime, vous aurez droit à une vigoureuse charge d’Anne Mathieu qui règle son compte à un dénommé BHL à propos des Chiens de garde de Nizan.
Le prochain numéro de la revue prévu pour octobre 2009 fait saliver : « Anticolonialistes dans les années trente et leurs héritages ».
L'Ours, juillet-août 2009
EN REVUE
Pacifistes, combien de divisions?« Pacifisme et antimilitarisme » ADEN Paul Nizan et les années trente n° 7 octobre 2008 394 p., 25 €
D'emblée, les auteurs confirment le traumatisme de longue durée que constitua la Grande Guerre et le poids d'un pacifisme « plus jamais ça » qui, comme l'a montré en son temps Antoine Prost, imprègne la société française. Face aux erreurs du traité de Versailles et à l'expansionnisme des régimes fascistes, les pacifistes pressentent le danger d'une nouvelle guerre et se mobilisent contre elle. Mais, incapables de se rassembler, ils se dispersent au sein des partis et organisations, où ils ne constituent souvent qu'une tendance minoritaire.
PACIFISME ET ANTIFASCISME
Car ils sont divisés. Un fossé sépare les plus âgés, influencés par Romain Rolland ou le défaitisme révolutionnaire de Trotski, des plus jeunes, plus sensibles à la nouveauté et à la dangerosité de ces régimes, l'Allemagne nazie et l'U.R.S.S. stalinienne. À cette époque, le concept de totalitarisme n'existe pas encore - Hannah Arendt l'utilisera la première en 1951 - et rares les penseurs qui osent une comparaison entre les deux régimes. Les pacifistes n'interprètent pas tous le nazisme de la même façon : les uns, dans une vision marxiste, n'y voient qu'un ultime avatar du capitalisme annonçant son dépérissement final ; d'autres, plus sensibles à sa nature totalitaire et antisémite, considèrent qu'il représente un danger inédit. De même, les uns croient à l'efficacité d'une alliance antifasciste avec l'U.R.S.S., d'autres n'hésitent pas à condamner sans appel le stalinisme. Le pacte germano-soviétique d'août 1939 accentuera la confusion. Au final, ces divisions affectent aussi bien les modalités d'action des pacifistes, que leur grille de lecture d'événements tels que les accords de Munich de septembre 1938 ou que le pacte germano-soviétique précédemment évoqué.
Dans la première partie, Arnaud Blouin analyse le noyau syndicaliste révolutionnaire de La Révolution prolétarienne de 1914 à 1939 ; Vincent Chambarlhac s'interroge sur « la mémoire brisée » des pacifistes de la Grande Guerre ; Pierre-Frédéric Charpentier propose une étude de cas : l'échec de Louis Lecoin et d'Henri Jeanson face à la guerre à l'automne 1939 ; Natacha Vas Deyres propose une étude originale sur la Guerre et la Paix dans la science-fiction française à travers les œuvres de Régis Messac et Jacques Spitz ; Nicolas Di Méo analyse le pacifisme spécifique du célèbre auteur de La Garçonne, Victor Margueritte ; dans une perspective comparatiste, Gaël Pilorget-Brahic nous fait découvrir la gauche pacifiste espagnole au Congrès mondial contre la guerre de 1932 ; Éric Nadaud brosse un portrait enlevé du dessinateur Robert Fuzier dont il commente un dessin ; enfin, dans une dernière contribution, le même auteur analyse l'évolution des pacifistes au sein de la S.F.I.O .du congrès socialiste de Nantes en juin 1939 à la défaite de la France en juin 1940.
Dans la partie « Textes et témoignages retrouvés », Anthony Glinoer commente quelques chroniques de l'ancien trotskiste et révolutionnaire professionnel, Victor Serge, dans La Wallonie où l'on constate qu'il refuse de croire la guerre inéluctable. Puis Gilles Vergnon présente un article d'Angelo Tasca, publié sous le pseudonyme d'André Leroux, dans Agir pour la paix, pour le socialisme, créé par des blumistes anti-munichois en décembre 1938 et qui montre que, bien que camouflée, la scission de la S.F.I.O. entre blumistes et paul-fauristes est bel et bien en marche. Puis sont présentés les souvenirs de Vladimir Pozner sur Arnold Zweig, l'ancien combattant, qu'il rencontra en 1938, alors qu'il se savait bientôt soldat.
Enfin, la revue a fait le choix courageux de rééditer l'adaptation par Paul Nizan des Archaniens d'Aristophane, adaptation inédite depuis 1937. Dans une postface, Romain Piana, spécialiste du théâtre, présente ce violent réquisitoire contre la guerre, adapté pour Solomon Mikhoels et Benjamin Souskine du Théâtre juif d'État de Moscou.
À partir de ce kaléidoscope, ce numéro propose une stimulante réflexion sur la nébuleuse pacifiste des années trente, ses divisions, ses contradictions et son impuissance face à la guerre.
NOËLLINE CASTAGNEZ
L’émission « A plus d’un titre » de Jacques Munier, sur France Culture, a été consacrée le 19 juin 2009 à la revue Aden (interview d’Anne Mathieu et Guy Palayret). Aden y avait été évoqué auparavant, le 20 janvier, par André Chabin.
[La mise en ligne de cette revue de presse est due à Thierry Altman]