Maurice ARPIN
(co-fondateur et vice-président du G.I.E.N. [ancien secrétaire-adjoint, 2000-2005 ; ancien président, 2005-2006] ; ancien rédacteur en chef (2002-2006) de la revue Aden et toujours membre de son Comité de Lecture ; intervenant aux colloques de 2002 et 2005)
" Je me souviens... " : Avant Nizan, il y a eu la découverte du communisme. J'avais vingt ans. Et ce fut un des plus beaux moments de ma vie. Dans un lycée de la banlieue est de Paris, où j'étais assistant d'anglais, les pions, pour la plupart des étudiants de sciences politiques, m'en ont montré un visage assez humain. Mais aucun écrivain nommé Nizan dans le décor. C'était après mai 68 et j'étais trop jeune et trop emballé par la visite du grand musée qu'était à mes yeux la France, pour réellement comprendre tous les "ismes" qui proliféraient à l'époque. De retour au Canada, c'est un professeur de littérature française qui m'a suggéré de lire, en plus de Sartre, Camus et Malraux, un écrivain moins connu du nom de Paul Nizan. Le hasard me fit choisir Antoine Bloyé, dont j'ai tout de suite aimé le côté universel. Bloyé me rappelait plusieurs hommes pour qui tout avait été décidé d'avance (J'ai mis beaucoup plus de temps à apprécier véritablement les autres oeuvres de Nizan, trop parisiennes, trop françaises ou trop normaliennes). A ma façon, j'étais devenu nizanien, une denrée rare, pour tout dire, dans cette partie du monde. Comment peut-on être oublié si complètement après avoir été sérieusement considéré pour le Goncourt et lauréat de l'Interallié ? Comment pouvait-on renaître après une oblitération presque totale ? Deux questions que je me posais au sujet de Nizan lorsque j'ai décidé de faire des recherches doctorales en littérature française à l'université Laval (Québec). Ça a donné au terme d'un long voyage – des milliers de kilomètres de microfilm à la BN – et après plusieurs rencontres mémorables – Henriette Nizan, François Maspero, Jacqueline Leiner, Jean-Jacques Brochier – un nombre assez important de travaux sur les deux Nizan, celui des années trente et celui issu de la " résurrection " des années soixante aux éditions Maspero.
" Nizan... Aujourd'hui ! " : Tant et aussi longtemps que Nizan représentera un problème, il sera lu et apprécié. A en juger par ce qui se passe dans la revue Aden, où les adhérents et les collaborateurs, de tous âges, de partout et de tous les champs d'activité, multiplient les lectures de son oeuvre – lectures pour, contre, inattendues, nouvelles – le " trouble-fête " n'est qu'en début de carrière. Quoi de mieux pour une oeuvre, dans un monde qui se targue de pouvoir tout aseptiser, de tout régler à coup de dollars bien placés, que de toujours susciter l'inconfort ! Position enviable dans le champ de la culture et des idées !
[Maurice Arpin, né en 1951 à St-Malo au Manitoba (Pas du tout port de mer, mais assez près de Winnipeg), est professeur de littérature française à Saint Francis Xavier University en Nouvelle-Écosse au Canada.
Publications sur Nizan : La fortune littéraire de Paul Nizan. Une analyse des deux réceptions critiques de son oeuvre. Berne, Peter Lang, 1995. " Discursivité et image sociale. Aden Arabie ou la construction d'une identité" Aden, n° 2, octobre 2003, pp. 175-200 ; "Lectures d'un roman : Le Cheval de Troie", ibid., n°1, décembre 2002, pp. 63-88 ; "La Conspiration ou comment décevoir l'horizon d'attente", Cahiers d'histoire culturelle, Université de Tours, n° 9, 2001, pp. 7-17 ; "Discours social et réception : les "relectures" de Paul Nizan", Neophilologus, Vol. 84, n° 2, avril 2000, pp. 189-205 ; "Le Cheval de Troie : une prise de position", French Forum, Vol. 24, n° 3, septembre 1999, pp. 354-373]