Michel BREAN
(adhérent au G.I.E.N. depuis 2005)
" Je me souviens... " : Lorsque je suis arrivé de ma province comme interne au Lycée Henri IV en hypokhâgne – encouragé, entre autres, par de jeunes normaliens qui venaient accomplir une sorte de " purgatoire " au Lycée Marceau de Chartres, avant de retourner dans une université parisienne – j'étais voltairien et sartrien .Et je n'avais pas lu une ligne de Nizan.
Quand ai-je lu pour la première fois Nizan ? Mon édition d' Aden Arabie (Petite Collection Maspero) date de 1967. Je fus sans doute attiré par la préface de Sartre et l'incipit. La même année, j'ai lu Antoine Bloyé, La Conspiration et le recueil de J.J. Brochier (grande édition chez Maspero).
Il me semble avoir mis de côté ses critiques de " l'Ecole " auréolée à l'époque par la présence d'Althusser. J'étais au contraire avide d'être dans le moule, au milieu de garçons intelligents, de décortiquer des textes, de passer deux heures à traduire 4 lignes de Goethe ou de Tacite, les – 20 en thème latin ne m'effrayaient pas. Par contre, j'ai vite apprécié la vigueur de l'aspect polémique des articles critiques, une sorte de refus du conformisme, assez solitaire .Et l'un de mes titre de " gloire " fut une démolition en règle des Mémoires Intérieurs de Mauriac, devant la classe de HK1, alors que tout un chacun connaissait l'admiration béate de Monsieur N. pour l'auteur. Quant à Antoine Bloyé il me parut prolonger, de façon plus incisive, les tableaux sociaux que j'avais rencontrés dans Les Thibault .
" Nizan... Aujourd'hui ! " : Pendant mes années d'enseignement, Nizan n'a pas disparu, mais il est vrai qu'en province on rencontre peu d'occasions de parler de lui, les lecteurs que j'ai côtoyés, avant que je ne les encourage, étaient peu nombreux ; j'ai donc suivi de loin les publications – biographies, études, numéros spéciaux de revues. Et pour tout dire, mes lectures d'écrivains " communistes " se sont plutôt tournées vers Aragon et Roger Vailland.
Et puis, il y quelques mois, s'est produit une sorte de " cristallisation ", tournant autour de l'idée : " finalement, Nizan a été un communiste " orthodoxe " pendant toute sa vie de militant, jusqu'à sa démission du Parti, et les allusions dans les lettres du recueil de J.J. Brochier montrent une complexité loin d'une simple rupture." Alors, j'ai relu, lu Nizan, en particulier Le Cheval de Troie, Chronique de Septembre (dans une édition de 1939, payée 8 euros dans une brocante ; c'est sans doute cet achat qui a été le déclencheur). La lecture du tome 1 des Articles littéraires et politiques m'a confirmé dans cette idée.
J'ai envie maintenant d'une vérité apaisée de Nizan, qui ne soit pas instrumentalisée par l'anticommunisme primaire, qui ment ou qui omet (ex A.Cohen-Solal qui cache le soutien d'Aragon à La Conspiration), ou par ceux qui cherchent à tout prix les prémisses de la rupture dans toute son ouvre, comme les staliniens y ont cherché la traîtrise (à ce propos, quel parfait et obscène " procès stalinien " qui dénonce comme traître quelqu'un qui rompt en parlant de " communisme national ", au moment où l'on travaille à un Front National de la Résistance !).
L'important est de lire Nizan, Nizan écrivain et journaliste, partisan, militant. Nous manquons de nizans.
[Michel Bréan, né à Chartres en 1949, études au Lycée Marceau de Chartres, puis en Hypokhâgne au Lycée Henri-IV en 1967-68 ; maîtrise sur Diderot et les questions d'éducation à Paris IV Sorbonne, agrégé de lettres modernes en 1973. Professeur au collège de Mondoubleau (41), au lycée A.Thierry de Blois (41), au collège Dussarrat de Dax (40). Parallèlement syndicaliste au SNES-FEN, puis FSU, secrétaire départemental du 41, commissaire paritaire agrégé, responsable départemental 40. Professeur honoraire depuis septembre 2005]